BONNE PRATIQUE : LA PHOTOCOPIE - C&H 124
Posté le 28/11/2024
Bonne pratique : La photocopie
Catherine Weidemann - C&H 124
Le précédent numéro de notre journal de liaison (C&H 123) proposait un article sur le droit d’auteur. Continuons dans cette lignée avec le point précis de la photocopie. Car il faut bien le dire, la photocopie, c’est tellement simple et pratique !
Dans les écoles, nous en avons reçu des kilos comme matériel d’enseignement donné par nos enseignants. Et dans les églises, les machines tournent aussi rondement pour permettre aux personnes présentes de chanter. Mais qu’en est-il de cette pratique généreuse dans les coulisses des écoles, des églises ou de tout autre lieu public ?
1. Les SPRD ou les organismes de gestion collective des droits d’auteurs
En France, la gestion des droits d’auteur est assurée par les Sociétés de Perception et de Répartition de Droit d’auteur, les SPRD. Chaque pays a ses organismes avec différentes dénominations. Chacune spécialisée dans un domaine précis, une petite trentaine de SPRD prélèvent actuellement en France les redevances sur les copies de toutes sortes (photocopies, mais aussi sur les supports d’enregistrement comme les CD, DVD, clé USB, disque dur, smartphone, tablette, etc.) et rémunèrent les auteurs et éditeurs affiliés selon des barèmes précis. Le but de ces SPRD ? Permettre aux auteurs et éditeurs de vivre et de poursuivre leur travail.
2. La photocopie privée sur un lieu public
Dans le précédent numéro, une pratique en fait assez simple a été définie. Si vous achetez une partition ou une méthode, et que vous en faites une photocopie pour vous dans un usage privé (doigtés, annotations personnelles, ...), elle est autorisée.
Soulignons maintenant que cette possibilité est réservée dans le cadre d’un espace privé également, à votre domicile ou sur votre lieu de vacances. Dès le moment où vous sortez de cet espace privé pour vous rendre dans un lieu collectif public (école, conservatoire, église, salle de concert, rue, etc.), vous sortez de ce cadre. La photocopie devient illicite sans une autorisation.
Cette précision est importante si vous jouez en public. Si vos doigtés sont sur une copie, ayez toujours sur le lutrin votre original acheté, en cas de contrôle. Ou prenez le temps d’écrire vos doigtés sur l’original pour éviter toute justification inutile.
La SEAM (Société des Éditeurs et Auteurs de Musique) indique sur son site que même des pages de tourne ne sont pas autorisées dans un original. Qu’est qu’une page de tourne? C’est la page photocopiée qui permet d’éviter de tourner une page à un endroit pas très facile pour les doigts…
Vous voulez photocopier une édition épuisée? Cet argument n’est pas valable non plus. La photocopie reste autorisée uniquement pour un usage privé et sur un lieu privé. Vous sortez de ce cadre, elle devient interdite.
3. La photocopie légale dans les écoles, les paroisses et les monastères
Les écoles photocopient des tonnes de papier chaque année en toute légalité, parce qu’un contrat précis a été établi entre une SPRD et ces lieux publics de formation qui payent des redevances sur les photocopies.
Les paroisses et les monastères photocopient eux aussi des partitions du répertoire religieux pour leurs offices en toute légalité, dès le moment où ils sont affiliés au SECLI, (Secrétariat des Éditeurs de Chants pour la Liturgie) et qu’ils payent leurs redevances.
Dans ces deux cas, il y a une convention ou un contrat en amont qui autorise la photocopie sur ce lieu public et qui fixe les redevances à payer. En l’absence d’un contrat avec une SPRD, la photocopie est interdite sur ce lieu public. Et pour bénéficier de ces répartitions en tant qu’auteur ou éditeur, ceux-ci doivent être affiliés à une de ces SPRD. Un auteur ou éditeur non-affilié à une SPRD ne touchent aucune redevance.
De plus, dans les écoles de musique, la photocopie de partitions est autorisée lorsque trois conditions sont réunies: les copies sont destinées uniquement aux élèves ou étudiants de l’école, elles sont faites dans cet établissement ou chez un fournisseur officiel, elles ne dépassent pas 10% de l’œuvre ou du recueil.
4. La photocopie dans les groupes de musiciens
À ma connaissance aujourd’hui, il n’existe pas de convention collective pour les orchestres, les chorales, les fanfares ou tout autre groupe de musiciens professionnels ou amateurs qui autoriseraient la photocopie en payant des redevances annuelles sur ces copies à une SPRD. L’utilisation collective d’une partition implique ainsi l’achat ou le prêt par une bibliothèque, en nombre pour TOUS les membres du groupe.
Si le groupe souhaite une autorisation de photocopier, le groupe doit s’adresser à l’éditeur concerné de la partition, qui proposera une redevance ou une solution pratique. De quelle manière l’auteur de la partition recevra ensuite une part de ces redevances? Cela dépend de son contrat avec son éditeur.
5. Et dans nos groupes de citharistes? Pistes de réflexion
Nos groupes de citharistes sont soumis aux mêmes règles que les chorales, les fanfares et les orchestres professionnels ou amateurs. Et en ce domaine, il n’y a qu’une seule règle d’or: on ne photocopie pas. Chaque membre du groupe achète ses partitions.
Et si le groupe a déjà un grand répertoire, le nouveau venu doit-il tout acheter? Et si ce nouveau venu fait grise mine à l’idée d’acheter ces partitions, le groupe doit-il réduire son répertoire? Et s’il ne sait pas encore s’il va vraiment participer à ce groupe?
Et s’il vient juste deux fois par année? Et si ……..?
Des questions qui reviennent périodiquement. Proposons ainsi quelques pistes de réflexion.
5.1. Qui rechigne à acheter?
Bien souvent, ce ne sont pas les plus pauvres ! Toutefois, si une personne est vraiment dans la difficulté financière, y aurait-il un cadeau à faire ? Une réduction pourraitelle être obtenue ? L’éditeur ou l’auteur propose-il un extrait du recueil en question ?
En bref
Ouvrez le dialogue pour trouver une solution ensemble.
5.2. Définir au début les règles d’or
Lorsqu’un nouveau venu se joint à un groupe de citharistes, l’animateur devrait être clair dès le départ sur cette question de la photocopie. Ce n’est pas la loi répressive qui doit être mise en avant (la photocopie est interdite par l’article x), mais son aspect moral. Chacun a du plaisir à jouer une partition ensemble. Et ce plaisir ne peut pas avoir lieu au dépens de ceux qui ont contribué à son édition.
Si vous allez manger au restaurant avec des amis, il ne vous viendrait pas à l’idée de partir sans payer… même si votre ventre sera de nouveau vide dans quelques heures.
En bref
Jouez avec un matériel original pour tous les membres du groupe.
5.3. Définir les pièces du répertoire
Dans les chorales et les fanfares, le répertoire est souvent prévu en fonction d’un concert. Le répertoire sur une certaine période est ainsi défini.
Les groupes de citharistes pourraient aussi préciser les partitions qu’ils vont jouer et se procurer le nombre d’exemplaires nécessaires éventuellement à un prix réduit.
En bref
Définissez le répertoire joué.
5.4. Être généreux, oui mais…
Dans l’enthousiasme, de nombreux animateurs sont généreux et proposent leurs exemplaires au nouveau venu: tu me le rendras la prochaine fois.
Certains animateurs font l’expérience de ne pas retrouver leur exemplaire… je rachète un exemplaire... j’ai prêté le mien et on ne me l’a pas rendu…
De mon côté, j’ai même entendu un jour: ce recueil, je ne vais pas te l’acheter. On me l’a prêté et je l’ai photocopié… j’aime beaucoup tes pièces…
Je vois aussi des citharistes généreux qui donnent les recueils ou partitions qu’ils n’utilisent plus ; d’autres qui offrent des exemplaires qu’ils ont eux-mêmes achetés, par conscience et respect des auteurs.
En bref
Rendez le matériel prêté et achetez-le s’il vous intéresse.
Et si vous avez davantage de moyens, faites des cadeaux!
Vous contribuez ainsi à faire découvrir notre répertoire et
vous soutenez les compositeurs et arrangeurs pour cithare.
5.5. Et les partitions publiées dans Cithare et Harmonie?
Notre association est au service des citharistes, autant pour ses adhérents que pour toute autre personne intéressée par notre instrument.
Depuis octobre 2015, les auteurs de partitions offrent leur travail à l’association. Pourquoi? Du côté du CA, parce que la gratuité des articles et partitions a été posée comme priorité pour sortir des pertes financières. Du côté des auteurs, pour soutenir cette visée d’ouverture de l’association, et sans doute aussi pour transmettre et faire connaître leurs œuvres.
Cette gratuité de leur travail implique-t-elle aussi la gratuité des partitions et l’autorisation de photocopier dans les groupes de citharistes? Non, notre association est soumise à des impératifs de trésorerie comme chacun d’entre nous. Certaines orientations ont été prises pour combler des déficits.
En étant adhérent, vous avez droit aux partitions publiées sur l’année d’adhésion.
Mais si un membre d’un groupe n’est pas adhérent, l’achat de la partition s’impose comme n’importe quelle autre partition.
Dans les 30 ans d’existence de notre association, ce n’est pas la première fois que le problème des photocopies est soulevé. Un Fonds de Solidarité entre Compositeurs et Professeurs avait déjà été imaginé au début des années 90 pour cadrer ce problème.
Le CA actuel s’est positionné en faveur du paiement de redevances sur les copies des partitions de notre journal au prix de 4€ par titre de partition. Les responsables de groupe contactent le CA pour davantage de précision.
En bref
Soutenez votre association.
Dans les groupes de citharistes, achetez les partitions du C&H pour les nonadhérents.
5.6. Et les enseignants de la cithare ?
En enseignant le psaltérion ou la cithare, vous êtes soumis aux mêmes règles d’or avec vos élèves.
Si votre enseignement n’a pas lieu dans le cadre d’une institution ayant signé une convention avec une SPRD, la photocopie n’est pas autorisée. Et même si vous enseignez dans une de ces institutions, le cadre des photocopies reste réglementé (cf. plus haut : 3. La photocopie dans les écoles, les paroisses et les monastères).
Notre monde de la cithare n’est pas très grand. Si vous souhaitez proposer du matériel composé ou édité par un*e collègue ou par l’association, prenez contact avec lui*elle.
En bref
Soutenez le travail des collègues que vous appréciez.
5.7. Et les partitions publiées par l’association ?
Les Amis de la Cithare ont publié des recueils de Berthier, Godard et Siviero. En Suisse, Cithare-Romandie a soutenu la publication d’un recueil du frère Jean de la Croix et a hérité du patrimoine de partitions d’Hermann Oberson. Ces deux associations contribuent à garder une mémoire et à la diffuser. De plus, chacune des deux associations souhaite poursuivre et étendre ce travail qui est, rappelons-le, entièrement bénévole. Si vous souhaitez jouer une partition d’un recueil avec votre groupe, contactez l’association-éditrice.
En bref
Soutenez les associations-éditrices et ouvrez le dialogue quand vous avez une demande.
Dans les groupes de citharistes, achetez les partitions éditées par une association qui diffuse et garde une mémoire liée à notre instrument.
5.8. Et si je copie à la main ou sur mon ordinateur ?
La copie à la main d’une partition ne permet pas automatiquement de sortir de la réglementation. Il faut que j’ajoute des éléments personnels comme des doigtés. Autrement, les mêmes règles d’or restent valables: pour un usage et un cadre privé et personnel. Une chorale ou un groupe de citharistes sortent de ce cadre restreint, tout comme la situation du jeu en public.
Et si je copie sur mon ordinateur une partition d’un auteur libre de droit? Oui,
mais l’éditeur-imprimeur bénéficie lui aussi de droits sur le document papier…. Il faut donc pouvoir justifier d’un arrangement précis pour ne pas glisser dans les droits d’un éditeur-imprimeur dès le moment où la copie sort de l’usage privé et personnel !
En restant dans ce cadre privé et personnel, vous pouvez copier tout ce que vous voulez et comme vous voulez, à la main ou dans votre ordinateur.
5.8. Et si je copie à la main ou sur mon ordinateur ?
La copie à la main d’une partition ne permet pas automatiquement de sortir de la réglementation. Il faut que j’ajoute des éléments personnels comme des doigtés. Autrement, les mêmes règles d’or restent valables: pour un usage et un cadre privé et personnel. Une chorale ou un groupe de citharistes sortent de ce cadre restreint, tout comme la situation du jeu en public.
Et si je copie sur mon ordinateur une partition d’un auteur libre de droit? Oui,
mais l’éditeur-imprimeur bénéficie lui aussi de droits sur le document papier…. Il faut donc pouvoir justifier d’un arrangement précis pour ne pas glisser dans les droits d’un éditeur-imprimeur dès le moment où la copie sort de l’usage privé et personnel !
En restant dans ce cadre privé et personnel, vous pouvez copier tout ce que vous voulez et comme vous voulez, à la main ou dans votre ordinateur.
6. En bref
La protection des auteurs et éditeurs contre la photocopie est stricte … bien sûr, il faut qu’il y ait un contrôle d’un agent d’une SPRD pour être attrapé. Si des contrôles sont faits dans les Conservatoires et les orchestres, il y a peu de risque d’être contrôlé dans nos salles de rencontre entre citharistes… Et si une SPRD a les moyens de faire un procès contre une publication illégale d’une chanson de Brassens, il y a peu de risque que votre association ou les compositeurs pour cithare déposent plainte pour qu’il y ait procès contre une reproduction illégale.
Cependant, chacun d’entre nous a sans doute le souhait que la vie musicale autour de la cithare et du psaltérion puisse se poursuivre et se développer.
Vous achetez votre nourriture chez les producteurs ou les grandes surfaces, bio ou industrielle selon votre choix. Il en est de même pour toute nourriture musicale que vous mettez sur votre lutrin.
La cigale aime chanter et elle travaille comme une fourmi pour la joie de ceux qui l’écoutent. Cette joie ne peut pas être au dépens de celui qui a composé et édité dans les coulisses. Cette personne aussi travaille comme une fourmi, et pour certaines, c’est son unique source de revenu.
Soutenons la vie musicale de notre instrument.
Ouvrons le dialogue entre nous.
Faisons connaître les auteurs que nous estimons.
Disons-le avec conscience :
les copies sont un préjudice
aux auteurs et éditeurs de notre instrument.
Jouons fair-play en groupe.
Sources bibliographiques :
http://metiers.philharmoniedeparis.fr/sprd-societes-perception-repartition-droits.aspx
http://www.seamfrance.fr/divers/les-questionsreponses-faq/faq-photocopies/
http://conservatoires-de-france.com/media/filer_public/2013/09/27/1994_copies_conformes.pdf
https://www.suisa.ch/fileadmin/user_upload/mitglieder/F/Photocopier-partitions-musicales.pdfwww.sacem.fr