DES QUESTION SUR L'ACCORDAGE DES CITHARES A ACCORDS - C&H 140
Posté le 22/02/2025
Des questions sur l’accordage
des cithares à accords
Corinne Laymajoux du groupe
local Dourgne – En Calcat - C&H 140
Je suis une cithariste amatrice, amoureuse de mon psaltérion 12/7 d’En Calcat. Lors de stages avec les professeurs ou les Journées de la Cithare organisées par l’association, je rencontre des professionnels ainsi que des amateurs expérimentés qui m’aident à connaître mon instrument. Les sujets sont vastes. Au travers de quelques parutions dans le C&H, je souhaiterais partager ce qu’ils m’apprennent.
Pour le présent article, je remercie Alain WETTERWALD pour sa disponibilité et sa patience. Par téléphone mais aussi directement dans la rédaction, il a largement éclairé cette thématique de l’« accordage » !
Alain Wetterwald est luthier, à Lunel (département de l’Hérault, France). Il développe une nouveau concept d’instrument : « Zither Etoile du Matin » .
Informations complémentaires :
https://www.zither-etoiledumatin.com/
De quoi parlons-nous ?
L’accordage est l’action d’ajuster un instrument de musique, c’est-à-dire son réglage pour en obtenir les notes désirées… mais attention, pas n’importe quelle note, car le luthier a construit l’instrument selon un plan de cordes précis, c’est-à-dire que chaque corde est prévue pour une note unique. Sur les cithares à accords, les notes sont généralement indiquées sur la table d’harmonie.
La note étant le son obtenu par une vibration que notre oreille peut entendre, la corde doit avoir des caractéristiques exactes : un diamètre, une masse, une longueur vibrante et une traction. C’est pourquoi, quand on casse une corde, on ne la remplace pas par n’importe quelle autre, mais on se réfère aux caractéristiques définies par le luthier.
Pourquoi l’instrument se désaccorde-t-il ?
D’une manière générale, tous les instruments de musique se désaccordent.
Cela est particulièrement vrai pour les instruments à cordes. Sur les cithares à accords, chaque corde est soumise à une tension de 9 à 22 kg. Incroyable si on ne me l’avait pas dit : la traction du plan de cordes d’un psaltérion 12/7 d’En Calcat est de 2 800 kg !!!
Pour que la cithare sonne juste, il convient que cette tension soit homogène sur toute sa structure. Or la tension tend à varier – se dissiper – naturellement à cause de trois paramètres extérieurs : la pression atmosphérique, l’hygrométrie, la température. Regardons en détail…
- La pression atmosphérique influe directement sur la dilatation des cordes. Or, la pression atmosphérique varie d’un lieu à l’autre, ou lors des changements météorologiques et de l’altitude. La réaction des cordes est immédiate. Plus la pression atmosphérique monte, plus les notes montent et deviennent aiguës. À l’inverse, plus la pression descend (en altitude par exemple), plus les notes descendent. En allant de 400 m à 1 500 m d’altitude par exemple, la cithare peut descendre d’1/2 ton sur tout le plan de corde.
- L’hygrométrie influe sur la souplesse de la caisse, car le bois absorbe l’humidité de l’air ou au contraire se dessèche. L’impact est constaté sous 24 à 48 h. Plus la caisse est sèche, plus le son descend dans les graves. Plus la caisse se gonfle d’humidité, plus le son monte. Pour éviter cet impact, les luthiers utilisent du bois de qualité à hygrométrie stabilisée (hêtre principalement pour nos instruments) qui a été séché plusieurs années ou traité par un procédé de dessiccation préalable au montage.
- La température ambiante influe sur la dilatation des cordes. Plus la température augmente, plus les cordes se dilatent et se détendent, les notes descendent, c’est quasi immédiat. Par exemple, 4 à 5 degrés d’écart en température ambiante peuvent impliquer rapidement 1/4 de ton de différence.
Comment accorder sa cithare ?
Apprendre à accorder son instrument, quand l’accorder, et surtout quand ne pas l’accorder, est la première compétence à acquérir. Il est possible d’être accompagné par une personne expérimentée ou un professeur.
Pour les cithares à accords, plusieurs documents pédagogiques sont disponibles aux Éditions Psalmos :
https://www.psalmos.com/theorie-cithare-psalterion-accorder_une_cithare.html
On comprend la complexité de l’accordage en réalisant qu’on obtient une note par la modification de la tension d’une corde. On recherche la note souhaitée, c’est extrêmement précis. Certains le font à l’oreille ou à l’aide d’un diapason. Pour être exact, il est recommandé d’utiliser un accordeur chromatique du commerce. On en trouve de qualités et de prix différents, même en téléchargement sur smartphones (car équipés d’un micro intégré) souvent bien plus précis, car précis sur 8 octaves.

En utilisant un accordeur, nous devons exciter les cordes de l’instrument une à une. Lorsque l’appareil capte le son, il affiche la note la plus proche et il indique la déviation par une aiguille.
Lorsque cette dernière est placée au centre, la note sera juste.
Peu importe l’accordeur que vous employez, regardez sa sensibilité, et il faut surtout que son ergonomie vous convienne.

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Pourquoi une cithare ancienne se désaccorde moins vite qu’une neuve ?
L’hygrométrie du bois d’une cithare descend dans le temps, car le bois sèche de plus en plus. Donc une cithare ancienne sera de moins en moins sensible à l’hygrométrie, elle se désaccordera de moins en moins. Il n’est pas rare de voir des fonds de cithare se fendre à l’arrière. C’est normal c’est comme les rides, mais là pas de possibilité de lifting. Une fois fendue, la cithare est hors circuit. Aussi il est capital pour la longévité de votre instrument de toujours couvrir votre instrument dès que vous arrêtez de jouer, par un tissu épais qui va isoler le cordage de l’air ambiant. Si vous avez la chance de posséder une cithare noire ancienne encore en état, avec le fond en bois massif, et si vous voulez en jouer en toute sécurité, sans l’endommager, replacez-la dans une housse pour l’isoler au mieux de l’air ambiant à chaque utilisation. Si vous n’en jouez pas pour une longue période, détendez-la complètement. Lorsque vous désirez en rejouer, reprenez l’accordage lentement, par paliers. Ne revenez jamais au diapason du « la 440hz », mais plus bas d’un demi-ton. Un demi-ton, c’est une force de trois kilos. Donc 3 kg x par le nombre de cordes de votre cithare est égal à une cithare âgée qui a beaucoup plus de chance de vivre encore un peu. Vous l’économisez d’une charge considérable. Du respect pour nos cithares aînées !
Ne jamais installer votre cithare dans une pièce où le soleil peut atteindre l’instrument directement. Préférez une pièce peu chauffée, et de préférence à l’Est ou au Nord.
Autre précision, ne jamais mettre votre belle cithare noire au mur en décoration. Vous signez son arrêt de mort.
Faut-il accorder toute la cithare en même temps ?
Oui absolument. On accorde tout l’instrument d’un coup sans pause ; c’est important, car les conditions atmosphériques sont variables en permanence, même au fil de la journée et notre instrument est, vous l’avez compris, un baromètre très exigeant.
Surtout accordez avec votre accordeur, la partie mélodique (droite), en premier. Essayez d’être le plus précis possible. Restez plutôt dans la fourchette de +3 Hertz, de préférence au-dessus de la note, car en général les conditions atmosphériques font que la cithare descend.
Ensuite vous reprenez les notes de la partie mélodique et vous les rapprochez de la partie à accord, soit en faisant participer votre oreille, soit en contrôlant encore avec l’accordeur. Cet exercice d’écoute du son de la partie mélodique est capital pour former votre oreille. De plus, en accordant comme cela, vous apprenez sans le savoir, sans effort, le nom des notes des accords.

Quand accorder ?
- Trois cas de figure.
Vous jouez seul, sans être accompagné par un autre instrument : Votre cithare va monter un jour et descendre le lendemain. N’intervenez pas avec l’accordeur, faites simplement une harmonisation générale à l’oreille. - Vous jouez avec un instrument qui vous accompagne : reprendre l’accordage total à l’accordeur, quelques heures avant votre rencontre.
- Vous vous rendez compte que votre instrument aujourd’hui ne se comporte pas comme d’habitude : il est complètement faux, alors que la veille tout semblait bon. Le mieux c’est de ne rien faire, quitte à ne pas jouer ce jour-là. Demain est un autre jour et bien souvent l’accordage le lendemain est parfait sans avoir rien fait. Simplement nos cordes sont en acier et certaines sont filées de cuivre. Ces deux matériaux sont de coefficient de dilatation différent, donc il est normal qu’il faille du temps pour que les deux métaux équilibrent leurs dilatations. Il y avait simplement un très gros changement de condition atmosphérique ce jour-là.
Est-il exact qu’une cithare jouée tous les jours se désaccorde moins qu’une cithare jouée de temps en temps ?
Oui c’est le cas. Quand on sollicite les cordes, on détend les tensions internes dues à l’accordage. Lorsque l’on accorde, on exerce une force de torsion sur la cheville avec la clé. Une partie de cette force de torsion reste « emmagasinée » dans la cheville, et va se dissiper de toute façon lorsque l’on se met à jouer. Si on joue souvent, on dissipe rapidement cette force de torsion résiduelle, on est donc plus stable à l’accordage. Pour éviter ce problème d’élasticité de la cheville, il faut à l’accordage dépasser la note à atteindre de +5 Hertz, et détendre la cheville en revenant en arrière, avec la clé, en descendant à +3 Hertz. Ainsi, la cheville ne parasite plus l’accordage, et la force de torsion résiduelle de la cheville est annulée. Pour « accorder stable », on dépasse la note et on revient en arrière pour détendre la cheville, c’est obligatoire. C’est le grand problème de l’accordage au piano et au clavecin.
Un conseil avant de se quitter :
Vous comprenez que votre instrument a du caractère.
Munissez-vous d’un petit baromètre hygromètre thermomètre et placez-le au mur juste à côté de votre instrument. Observez, notez ce qu’il s’y passe et vous pourrez rapidement analyser et anticiper, pourquoi votre cithare est stable à l’accordage ou pas - 18 euros, n’importe où sur internet ou dans les boutiques.
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