Témoignage – Cithare en prison
Jean Laplanche - C&H 119
« Touchée tant que l'on voudra, la cithare laisse le silence intact ; le son - lorsqu'il est pur n'interrompt pas le silence : il l'ajoure, au point de le faire exister. »
François Cassingena-Tréverdy « Etincelles II »
Lorsque j'ai découvert la cithare, l'instrument m'a immédiatement séduit parce que proche du silence. Aumônier d'un centre de détention je porte la cithare au cœur de la prison.
Outre l'accompagnement des chants elle nous aide à créer les conditions d'un véritable recueillement.
Philippe a dit : « La cithare m'aide à me recueillir dans ce temps de prière hebdomadaire que j'attends toute la semaine avec impatience. »
Parce que la prison est le lieu de tous les bruits et tout le temps, nous prenons de longs temps de silence lors de nos célébrations. Quand l'instrument se tait, s'installe un silence d'une saisissante intensité. C'est une expérience unique que de le vivre au milieu de ces jeunes hommes. C'est important parce que faire silence c'est faire place au Seigneur et aux frères. Là se révèle une belle qualité de présence.
Michel a dit : « La cithare m'aide à mieux entrer en communion avec mes frères codétenus. »
Nous parlons beaucoup à la prison et quand il s'agit de la cithare pour mes frères détenus il n'est jamais question ni de musique ni de l'instrumentiste. Ce qui me réjouit.
Ils me parlent essentiellement de sons. J'ai vraiment le sentiment de m'effacer devant l'instrument avec pour simple mission de « donner la parole à la matière. » Expérience d’humilité.
Ils me parlent de prière : Notre frère lituanien a dit : « La cithare me fait entrer dans la prière. »
Notre frère mexicain a dit : « Je peux enfin mettre un nom et une image sur cet instrument que l'on sait jouer dans les monastères pour accompagner les frères et sœurs qui prient avec nous. »
Ils me parlent de vibrations. Ils m'ont fait approcher des sensations inattendues. N'avezvous jamais fait l'expérience, en faisant vibrer la corde de FA, de ressentir comme une présence d'immensité ? Comment ne pas penser à la Visitation quand Jean tressaille d'allégresse dans le sein de sa mère à l'approche de son Seigneur ?
Notre frère colombien a dit : « La corde vibre pour louer mais aussi pour sauver et unir. »
Humilité, fraternité, voilà qui sonne bien pour le laïc franciscain que j'essaie d'être.
Avec ma cithare, au milieu de mes frères détenus je me sens pauvre et heureux. C'est peut-être, une manière de rendre témoignage à Dieu en révélant sa présence et son action dans ma vie.