C’est à partir de ce moment-là que le frère Patrice eut l’idée, avec l’aide des frères Pascal et Marie-François, de superposer deux cithares, puis de les coller entre elles, afin de pouvoir disposer des 12 accords majeurs.
Pour les accords mineurs, sœur Marie de Jésus (moniale de Prouilhe) trouva un jour une astuce: un levier qui permettrait de faire varier la tierce d’un demi-ton, faisant passer ainsi l’accord de majeur en mineur. Mais ces essais ne donnèrent pas entièrement satisfaction. Le frère Patrice reprit cette idée en l’approfondissant, et développa ce que l’on appelle aujourd’hui les « leviers modulateurs ».
Malgré tout, le collage des cithares allemandes étant difficile à réaliser, les frères trouvèrent vite qu’il serait plus judicieux de concevoir eux-mêmes une caisse de cithare. Après quelques années, devant le nombre croissant de commandes, un menuisier de la région les aida à faire ce travail, et cela jusqu’à aujourd’hui.
En parallèle de cela, Maguy Gérentet mit tout son talent à faire connaître le nouvel instrument grâce aux sessions qu’elle organisait tous les ans à En Calcat.
Les frères appelèrent donc cet instrument « psaltérion », comme pour rappeler celui qu’utilisait le roi David quand celui-ci chantait les « psaumes » (psalmoi). Un nouvel instrument voyait le jour, qui avait pour but de permettre d’accompagner le chant de l’office, composé essentiellement de psaumes.
Le psaltérion connut différentes formes: tout d’abord la caisse « à cornes » du frère Pascal, inspiré de la cithare Kinnor. Comme menuisier, celui-ci construisit pendant quelques temps des caisses de ce type, sur lesquelles le frère Patrice montait les cordes. Mais le frère Pascal se rendit compte que cette forme, qui contenait beaucoup de courbes, était difficile à mettre en œuvre. Il décida donc de créer une nouvelle esthétique avec des lignes droites. C’est à ce moment que le psaltérion connut sa forme actuelle de rectangle tronqué, avec la descente sur le côté pour la partie mélodique.
Peu à peu, les manœuvres du montage s’affinèrent: les chevilles, qui étaient jusque-là enfoncées avec un marteau, au risque de taper à côté, seraient désormais enfoncées en force grâce à l’aide judicieuse d’un bras métallique conçu par le frère Marie-François. Les enroulements des cordes seraient faits, d’abord à l’aide d’un appareil actionné par le pied, puis de façon automatique grâce à un moteur de machine à coudre.
Aujourd’hui, après bien des tâtonnements et des modifications de toutes sortes (le frère Patrice avait une nouvelle idée tous les matins!), l’instrument a pris sa forme de croisière, même s’il continue d’évoluer à travers la recherche de prototypes permettant d’améliorer la sonorité et la légèreté de l’instrument.
En 35 ans, l’atelier a produit plus de 5000 psaltérions qui ont été vendus dans le monde entier. Désormais, les communautés qui chantent en français ont pratiquement toutes un instrument. C’est désormais depuis l’Espagne et l’Italie que les commandes continuent d’affluer. Depuis déjà plusieurs années, des laïcs accompagnent la liturgie avec le psaltérion. L’instrument, que le frère Patrice avait conçu spécialement pour l’usage liturgique, a depuis toujours été également utilisé pour jouer des morceaux.
Notre frère, qui a frôlé les 100 ans, rêvait d’être missionnaire. Il aura exaucé son rêve: bien qu’étant moine, il a pu porter le message de l’évangile et la louange du Seigneur jusqu’aux extrémités du monde! Cela a été une grande joie pour lui, et pour nous encore aujourd’hui. Le psaltérion, qui fait partie de la famille des cithares, a réussi à s’introduire dans tous les milieux, qu’ils soient chrétiens ou non, et à faire passer quelque chose de la beauté divine, celle qui peut toucher les oreilles et les cœurs en profondeur.