Petite histoire des contrebasses
du psaltérion 12x7
Maguy Gérentet - C&H 127
Ceux qui achètent un psaltérion 12x7 ne s’en rendent pas forcément compte au premier coup d’œil…mais après quelques temps, ils finissent par découvrir que 3 des accords comptent en fait 8 cordes… Le professeur explique alors qu’une contrebasse a été ajoutée en tout début d’accord, qui ne figure pas sur les modèles plus petits.
Comme Catherine Weidemann dans C&H 126, beaucoup s’interrogent sur le « comment » et le « pourquoi » de cet ajout… alors voici !
Entre 1983 et 1988, frère Patrice ne fabriquait que des psaltérions 12x4, et pas encore les 12x7 qui lui paraissaient beaucoup trop complexes, et selon ses critères, « non indispensables pour la liturgie ».
À l’intention de ceux qui réclamaient à cœur et à cri de grands accords « comme sur les 6x7 », il fit pourtant des recherches, et aux alentours de 1986, il dénicha sur les catalogues allemands une magnifique cithare blanche nommée Harpeleik, sans partie chromatique, mais qui comptait 9 accords de 9 cordes... Pour un temps donc, il fit venir des Harpeleik et les équipa de modulateurs (et celles-ci devaient bien sûr être complétées par une cithare avec partie mélodique!) !
… Or les Harpeleik comportaient des contrebasses aux accords C et D (C# y était absent), ainsi que le redoublement de la basse aux accords Eb, E et F (F# y était absent); par ailleurs, leur sonorité était absolument superbe!… Je ne crois pas me tromper en avançant que ce sont les Harpeleik qui l’ont convaincu d’en venir aux grands accords! En tous cas, c’est assurément sur ces instruments qu’il a pris l’idée des contrebasses.
De fait lorsqu’il franchit le pas des psaltérions 12x7 (1988), la toute première série imitait la Harpeleik, par deux caractéristiques :
• D’une part, ajout des contrebasses aux accords C, C# et D, à la fois pour les développer davantage, et pour que l’instrument soit complet sur 4 octaves (depuis la contrebasse de C jusqu’au do mélodique supérieur).
• D’autre part, insertion en 2e position du redoublement de la basse aux accords Eb, E, F et F#.
Frère Patrice fut sans doute quelque peu déçu, de ce que ce psaltérion, qui au final comptait 6 accords de 8 cordes, ne produise pas pour autant la superbe sonorité qu’il avait appréciée sur les Harpeleik (il eût fallu me semble-t-il, que l’ensemble des cordes de sa partie harmonique soit beaucoup plus espacé, pour diminuer la proportion du métal dans la masse du bois).
Côté utilisateurs, autant les 3 contres-basses furent appréciées, autant l’insertion de cordes en 2ème position déclencha une forte réaction, notamment chez les compositeurs et les professeurs : tous déplorèrent immédiatement les différences qui en résulteraient par rapport aux cithares préexistantes (6x4, 6x7, 12x4 et Kinnors)… et l’inévitable complexification qui s’en suivrait au niveau de l’édition comme de l’enseignement.
De surcroît, autant il est aisé d’omettre les contrebasses et de débuter un accord par la 2ème corde, autant il est délicat (et même impossible en plaqué) de sauter une corde insérée après la basse... D’où la seconde critique, qui émanait également des citharistes : une telle insertion ne pouvait que modifier la sonorité des pièces précédemment composées – ce qui engendrerait soit des infidélités par rapport à l’inspiration des compositeurs, soit l’abandon pur et simple de ce premier répertoire, faute de pouvoir le jouer exactement tel qu’il était écrit…
Enfin, les personnes compétentes en harmonie firent remarquer que si tous les accords débutaient par le redoublement de la fondamentale, on multiplierait les mouvements parallèles, justement disgracieux du point de vue harmonique…
Ces objections majeures conduisirent donc frère Patrice à renoncer au redoublement de la basse dans les accords Eb, E, F et F#, tandis qu’il conserva les contrebasses pour C, C# et D. Le bénéfice fut en tous cas de permettre un plus grand espacement des cordes des accords, vraiment trop serrées sur la première série de 12x7.
Dernière précision : le redoublement de la basse E, décidé à la création des cithares 7x4 et 7x7 par frère Leszek (atelier Monastique de Jérusalem) dans les années 95, procédait d’une toute autre intention.
Le mi octave 2 était déploré depuis des années comme « le grand absent » sur les 6x4, 6x7 et Kinnors : tant au niveau mélodique (car c’était la seule note de l’octave 2 que l’on ne puisse trouver dans les accords), qu’au niveau harmonique (pour éviter ce que les musiciens appellent la fausse relation d’octave à l’enchaînement de D et E (lesquels, sur ces petits modèles, ont leur basse à une septième de distance).
Après la fermeture de l’Atelier Monastique, En Calcat a accepté de reprendre la fabrication des 7x7, et selon le même raisonnement, a maintenu le redoublement du mi dans l’accord E.
Sur les cithares 7 accords, avec le mi en 2e position de E, l’octave 2 est complète... et les puristes peuvent ainsi débuter E à la 2e corde lorsqu’il suit ou précède le D, pour éviter un intervalle de septième peu gracieux à la basse…