Psaltérion en prison ? Osez, allez-y !
Sr Bernadette Moriau - C&H 147
Ce témoignage de sr. Bernadette a eu lieu sous forme de discussion avec Catherine Weidemann. Sr Bernadette joue depuis longtemps du psaltérion et de la guitare. Malade pendant plus de 40 ans, elle a été guérie miraculeusement en 2008. Sa guérison a été reconnue en 2018 à Lourdes. Sr Bernadette est sœur franciscaine.
Comment as-tu eu l’idée d’aller en prison ?
Cela fait longtemps que cette idée m’habite. Mais après ma guérison, j’avais passé l’âge pour faire partie d’une équipe d’aumônerie. Le Seigneur nous conduit toujours, et son temps n’est pas le nôtre. L’évêque m’avait demandé de faire un témoignage de ma guérison à la prison. J’y suis allée le 8 décembre 2022. Et lors de cette rencontre, une responsable de l’aumônerie a dit qu’il n’y avait personne pour accompagner les chants de la liturgie de Noël. Je me suis proposée. Et c’est ainsi que je me suis amenée avec mon psaltérion en prison !
Et avec ton psaltérion en prison, qu’est-ce que tu as vécu ?
Comme auprès des grands malades, j’ai pu voir combien le psaltérion est source d’apaisement, pour les hommes comme pour les femmes. Il permet une rencontre spirituelle sans parole, à partir de la beauté de l’instrument.
La guitare n’est pas pareille, elle est bien pour une veillée où on bouge.
Mais le psaltérion nous intériorise. Il nous conduit vers la prière.
Il mène à la contemplation. Il peut remettre de l’harmonie et de la paix en tout homme aussi abîmé qu’il soit. Chacun a besoin de beauté.
Tu sais, on ne choisit pas son chemin. On est conduit là où on n’aurait jamais imaginé, que ce soit dans le bien ou dans le mal.
Et le Seigneur ne nous lâche pas. Il nous accompagne toujours. Quand on lui fait vraiment confiance, il se manifeste à nous d’une manière ou d’une autre. Dans le monde carcéral, tu es à part, tu es seul, tu es jugé, et c’est très dur. Mais le regard d’amour de Jésus à travers nous permet de ne pas tomber dans la désespérance totale. Dans la prison, il y a une grosse demande d’accompagnement spirituel. J’ai proposé de faire des petits groupes de partage de l’Évangile. J’y vais maintenant chaque fois que je peux le jeudi. On partage l’Évangile, on discute, on prie, on chante. Comme avec Zachée, que Jésus a vu caché dans son arbre au milieu de la foule !!! eh bien Jésus nous rejoint là où on est, même dans une cellule de prisonnier.
Quand on a fait des grosses bêtises, il y a une question qui revient comme une hantise : Est-ce que vous croyez que Dieu peut vraiment pardonner ?
Moi, j’arrive vraiment à la prison comme une pauvre. J’ai besoin de cette présence de l’Esprit Saint. Et puis, je pense toujours à saint François quand il dit « Le Seigneur me conduisit parmi eux (les lépreux) et il me fit miséricorde ». La prison pour moi, c’est un peu ça. J’y vais aussi avec ma pauvreté, je suis frère, je suis sœur avec eux, avec ce regard du Christ sur chacun d’entre nous, et tout particulièrement sur le plus abîmé.
Au cœur de chacun, il y a une flamme. Et le Seigneur est là. Dans l’équipe de l’aumônerie, on est là pour être à l’écoute, pour aimer et leur permettre d’exister en tant que personne. Moi aussi j’ai mon péché… Pour moi, le Seigneur regarde chacun, et particulièrement le plus abîmé. Une vie aussi cabossée qu’elle soit, Dieu peut toujours la restaurer. Cela nous dépasse complètement. Après la messe hier, une prisonnière est venue vers moi et m’a dit : « C’était beau. Si je n’avais pas ces temps-là, je ne tiendrais pas le coup ! ». Ma guérison, c’est un cadeau gratuit. Le Seigneur a fait cette guérison pour en engendrer d’autres.
Comment rentre-t-on dans une prison ?
C’est un sacré bazar, tu ne rentres pas comme ça ! Tout est contrôlé. La première fois, il a fallu que je déballe tout ! Dans la boîte de mon psaltérion, tout a été contrôlé. Tu laisses ton téléphone à l’entrée. Tu passes X portes, et avec ces X portes, tu attends avec un badge. Il ne faut pas avoir peur… c’est un chemin de confiance.
Un jour, une surveillante m’a reconnue. Bien sûr, avec toute la publicité qui m’est faite ! Maintenant, on me connaît… je passe comme une lettre à la poste ! Je peux rentrer, mais seulement avec Lucie, l’aumônière en titre qui est médecin. Pour simplifier, je viens avec ma guitare, mais les prisonnières m’ont réclamé le psaltérion en me disant que c’est tellement beau.
Que dis-tu aux citharistes qui auraient envie de jouer en prison où dans d’autres lieux difficiles ?
Osez ! Allez-y !
Il y a une grande attente. Le Seigneur nous envoie avec les dons qu’il nous a donnés pour les mettre au service des autres. On a un trésor à partager, que ce soit en prison ou à l’hôpital, vers les enfants ou les personnes âgées en EPHAD.
Vraiment, Osez ! Allez-y !